Brigitte Lalvée


Psychanalyste
Professeur de Lettres Classiques, psychanalyste, chargée de cours à Paris VII.
Publications : articles dans différentes revues, au croisement de "Littérature, psychanalyse et musique", membre d’Espace Analytique


Moïse le bègue et Aaron le beau parleur ; Sprechgesang et bel canto

Dieu lui‑même n’est pas sans se diviser : entre le Dieu Un du monothéisme, de la science et des philosophes, socle impensé de l’Autre du langage en tant que Un et unifiant, et le Dieu des croyants au nom imprononçable, qui s’énonce dans la seule tautologie de sa parole, « Je suis ce que je suis », que Lacan finalement s’arrête à traduire par : « Je suis ce qu’est le Je ». Ce qui s’énonce dans cette énonciation divine est une présence‑absence qui brûle, présence épiphanique qui terrasse : seul peut‑être un bègue, dont la voix se brise sur les mots, Moïse, pouvait être appelé à en relever le défi et la faille. C’est bien de ce défaut de bouche pour quoi peut‑être dieu l’a élu, que Moïse argue pour se faire désister par Dieu en faveur de son frère, Aaron le beau‑parleur. Ce « beau‑parler », Schönberg dans son opéra Moïse et Aaron lui donne les inflexions d’un bel canto gros du Veau d’or et de ses profanations, tandis que Moïse assume, au risque du « mot qui lui manque » sur lequel s’interrompt l’opéra inachevé, toutes les rigueurs et les austérités d’un Sprechgesang, d’un chanter qui se veut parole, ainsi que de la loi schönbergienne des douze sons ‑transposition musicale peut‑être, des Dix commandements.

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