Paul-Laurent Assoun


Psychanalyste, Professeur émérite de psychopathologie et psychanalyse à l’Université Paris 7 Denis Diderot, membre d’Espace Analytique, directeur de plusieurs collections chez plusieurs éditeurs, auteur entre autres de :
Réédition des Leçons psychanalytiques sur Le Regard et La Voix (3° édition), Corps et Symptômes, L’angoisse (5° édition)
Dictionnaire des Œuvres Psychanalytiques
Réédition de Préjudice et Idéal
L’avenir d’une illusion de Freud, dir. collection Psychanalyse et Religions au Cerf, première édition critique et commentée des œuvres de Freud, traduite par Claire Gillie
Prochaine sortie de L’illusion d’un avenir (confrontation amicale avec Freud), première édition critique et commentée, traduite par Claire Gillie, en octobre 2014
Traité sur l’excitation, PUF


Pare-excitation et extimité : la vocalisation de la chair

Il est essentiel de distinguer du corps (Körper) la chair (Leib). Si le corps se jouit, c’est qu’il y a ce que l’on appelle la chair. Freud révolutionne la logique de l’excitation, par quoi tout commence, en introduisant le concept révolutionnaire de « pare-excitation » (Reizschutz), qui vient du tréfonds de la corporéité, bien avant le corps-sujet. C’est là que l’on trouve aussi le cuir, cet insensible protecteur, très apprécié du pervers, qui y localise la matérialité, peau tannée coriace et souple à la fois, de la jouissance, celle du « pare-castration ». Le manichéisme est l’obsession de cette chair supposée créée par le démiurge, défiant le Père symbolique et où Lacan, lui, situe la seule « ontique avouable », celle de la jouissance. 

Ce qui s’entend dans la jouissance de la pénétration phallique, auquel, à défaut de rapport sexuel, ne peut guère répondre que le gémissement, d’entrée dans l’acte sexuel ou dans la mort, plus originaire que le cri même. C’est alors que la chair donne de la voix, Autre jouissance du féminin (qui s’ouït dans les vocalises de la Diva). Quand le sujet se sent mourir, dans l’extase orgastique et/ou mystique, dans l’expérience de la torture ou l’aveuglement de l’agonie, c’est elle qui résonne, comme dans les entrailles de la bête de la corrida étripée par l’estocade. C’est là-dessus que s’échoue Schreber, quand s’élève la voix qui lui murmure qu’il serait beau de s’exposer à la pénétration de l’Autre. Or tel est le domicile de la voix, en deçà de la parole, jouissant « sous cape »  - ce qui rend si pénétrantes les voix de sirènes, é-vocation des contrées de la jouissance de l’Autre.

Mentions légales