Gérard Pommier


Psychanalyste, ancien interne des hôpitaux psychiatriques, et ancien médecin chef-adjoint à Etampes. Il est professeur émérite des universités et enseigne à Paris VII Diderot.
Il dirige la revue La Clinique Lacanienne et est membre de l'association Espace Analytique. Cofondateur de la Fondation Européenne pour La Psychanalyse avec Claude Dumezil, Charles Melman et Moustafa Safouan, Gérard Pommier est également membre du comité de lecture de la revue Cliniques méditerranéennes.
Publications : 1986 : Le Dénouement d'une analyse, Paris, Champs Flammarion. Nueva Vision (Buenos Aires). Jorge Zahar (Rio de Janeiro). (285 p.),
1993 : Naissance et renaissance de l'écriture, Paris, Presse Universitaires de France. Nueva Vision (Buenos Aires), Artes Medica (Porto Alegre). (384 p.)
2004 : Qu’est ce que le réel ? Essai psychanalytique, Editions Erès (167 P.) Nueva vision Buenos Aires
2009 : La Mélancolie. Vie et œuvre d’Althusser, Editions Flammarion, col. Champs, Essais.
2010 : Que veut dire « faire l’amour » ?, Editions Flammarion, col. Bibliothèque des Savoirs
Les Corps angéliques de la postmodernité (Calmann-Lévy, 2002).
De quoi le nom propre est-il le nom


De la sirène à la muse

Du chant de la sirène à celui de la muse s’ordonne le double tranchant de la voix. Au premier jour de notre vie, la voix issue de la bouche nous revient aussitôt par l’oreille, comme si quelqu’un d’autre l’avait poussée. Et nous voilà aussitôt tirés hors de nous, étrangers à nous-mêmes, pleurant d’avoir pleuré. Cette voix que nous entendons n’a pas de forme, elle n’a pas de visage, elle est semblable à celle de la Sirène, que le marin entend, mais qu’il ne voit jamais. C’est le premier tranchant de la voix – celui qui pourrait tuer si personne ne lui répondait, comme la plupart des mères le font. Répondre au cri du premier jour, c’est se mettre à la place de l’écho, supplanter son appel de Sirène. C’est tout de suite entrer dans la parole, qui veut que d’abord les interlocuteurs se nomment. La puissance mortelle de la sirène est ainsi aplatie sous les mots échangés, vidés de leur musique. La voix de la sirène s’estompe sous les mots adressés qui s’enchainent. Son sang versé la vide de son chant. Mais son cri résonne toujours sous les mots au titre d’un appel nostalgique. Il devient celui de la muse, qui fait chanter au-delà de la raison des mots. C’est le deuxième tranchant de la voix, celui de la muse qui regrette sa mort déjà certaine. Elle ne vit que dans le souvenir d’Eurydice, pour toujours aux Enfers. C’est une paraphrase de notre La Fontaine : « Vous étiez chantés ? Et bien chantez maintenant ! »

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